La seconde partie du XVIIIe siècle voit ainsi des dizaines d’auteurs affronter La Fontaine et, dans le même temps, chercher d’autres sujets d’inspiration, comme Florian, le sensible rousseauiste, qui fait l’apologie, dans ses poèmes, de la tempérance, du civisme et des vertus familiales. Dans le même temps, les salons s’amusent à composer des œuvrettes de zoologie mondaine chez Mme de Rambouillet et Mlle de Scudéry (comme la lettre de Voiture adressée au duc d’Enghien sur la carpe et le brochet qui défraie la chronique. J.-C., ses fables sont réunies vers 325 av. Chez Ésope, Phèdre, et surtout chez La Fontaine, la leçon initiale, centrale ou finale, généralement séparée du texte imaginaire, ne correspond pas entièrement ou pas du tout au récit, comme s’il y avait pour le lecteur une énigme à trouver en discutant l’autorité de l’apologue et en s’interrogeant sur d’autres significations cachées que lui propose le récit. Ce qui plaît, en effet, c’est de passer par le récit et, d’une certaine manière, d’échapper aux significations convenues et à la sagesse consensuelle. Le lecteur est un « semblable », un « frère » qu’on instruit avec élégance (première sorte de dialogue selon Pellisson : le dialogue didactique portant sur la jurisprudence, la géométrie, l’algèbre et l’ensemble des sciences, dont on peut voir une application dans l’analyse de la controverse scientifique du Discours à Madame de la Sablière) ou par la raillerie (seconde sorte : les dialogues de raillerie portant sur la politique, la rhétorique et la poésie – les Provinciales en seront un – qui « ne vont à l’utilité que par le plaisir », et « leurs traits ingénieux, subtils, fins, délicats, descendent quelquefois plus avant dans l’âme que les préceptes les plus sérieux et les plus graves »). Il ne s’agissait plus de comprendre et d’enregistrer une idée simple qu’il faudrait appliquer dans la vie sociale ou individuelle, mais de comprendre le mécanisme des conduites possibles à partir d’exemples précis relatifs à la fiction, chez Rabelais, ou à l’expérience d’un individu s’analysant et analysant le monde, chez Montaigne. En Italie avec Pignotti, en Espagne avec Thomas de Yriarte, mais les auteurs de fables, comme John Gay en Angleterre (1726), sont restés trop liés, par la satire, aux questions d’actualité et ont été oubliés pour cette raison même : à trop faire la satire précise du temps présent, on risque de ne plus être compris par les lecteurs de l’avenir. La Fontaine et la conscience des sources Chaque fable est toujours la réécriture de fables préexistantes, orales ou écrites. Partant, grâce aux traditions égyptiennes (notamment la croyance en la métempsycose) de l’adéquation des caractères des animaux à ceux des hommes, il en fait des types et des symboles qui s’inscriront dans les habitudes des fabulistes. On traduit en rimant et en n’oubliant pas l’efficacité pédagogique, d’où l’usage scolaire que les jansénistes, comme les jésuites, entendent faire de la fable. êæÔæɸæ¬�¬�¬æ�æ¬æzpbTbTbTNF h&Ø Ce qui plaît, finalement, ce qui fait la délectation, c’est que la fable donne les moyens d’être elle-même critiquée et qu’elle entraîne à le faire par son économie même. Il s’agit donc à la fois de ne pas perdre le fil de la narration par un surcroît de détails (« en sorte que, si le fil vient une fois à se rompre, il est impossible au lecteur de le renouer », La Fontaine, Préface de 1666), mais aussi de ne pas faire la part trop belle à la stricte information ; là est toute la question esthétique d’abord des Contes, ensuite des Fables. Tout ce que les Païens ont dit de leurs Dieux sont des fables, l’histoire du lion baptisé par saint Paul, que quelques-uns attribuaient à saint Luc, est une fable, dit saint Hierosme de Sript. Il les commente dans un style de conversation, il interrompt bien souvent le cours du récit pour enrichir la fable au nom de l’alliance entre la tradition didactique et la tradition galante.
FABLE, PÉDAGOGIE ET MONDANITÉ Les fabulistes antiques sont, du temps de La Fontaine, l’objet de deux traitements. C’est la tradition mondaine ou galante de la fable. La Fontaine alors est la réalisation de l’unité retrouvée : il est l’équivalent de tous les grands personnages et leur réunification, le seul sage moderne capable de s’exprimer en ce genre, et ses protestations finales d’humilité n’y changent rien.
Par exemple, dans le dessin animé de Walt Disney, Robin des bois (1973), le héros est un renard. L’APOLOGUE ET LE DIALOGUE La Fontaine fait un subtil amalgame de ces deux genres pour agrémenter ses Fables. De fait, il acquiert, de l’un et de l’autre, l’autorité et la respectabilité. En principe, la structure de base est donc simple et parfaitement adaptée aux jeunes lecteurs.